La Prévention Spécialisée hors des rues

Les éducateurs de Prévention Spécialisée (éducateurs de rue) se sont retrouvés, lors du confinement, privés de leurs lieux de travail: les espaces publics et les rues fréquentées par les jeunes. 

Les éducateurs de rue de la Prévention Spécialisée sont au contact des jeunes de 10 à 21 ans dans les lieux publics, afin de leur proposer de l’information, des activités et un accompagnement individualisé visant à éviter les conduites à risque, les incivilités, la délinquance, le décrochage scolaire et la marginalisation des plus en difficulté ou en souffrance. Elle agit sur un territoire précis et va provoquer la rencontre avec les jeunes, le tout dans le respect de l’anonymat : ils ne sont en aucun cas obligés de donner leur vrai nom. L’éducateur garantit par ailleurs une totale confidentialité pour établir une relation de confiance. La Prév’ va également intervenir dans les établissements scolaires, les MJC, les skateparks... Ceci va lui permettre de monter des projets sociaux sur des axes prioritaires, tels que la santé ou le décrochage scolaire.

Dans le contexte si particulier du confinement, l’équipe de la Prévention Spécialisée du Crestois s’est retrouvée en difficulté pour poursuivre son action du fait de la désertification des rues. Elle s’est alors fixé des objectifs, notamment de rester en lien avec les jeunes suivis et de maintenir une présence et une disponibilité permanentes, pour eux mais aussi pour leur parents. Elle a aussi beaucoup communiqué à travers des médias locaux sur le fait que chaque éducateur était toujours là pour assurer sa mission. Cela lui a permis d’être davantage en lien avec les parents durant cette période, notamment via sa page Facebook.

C’est ainsi que le smartphone est devenu un outil indispensable pour les deux éducateurs du secteur Crest-Saillans. Obtenus en début d’année grâce à des subventions de la CAF, ces téléphones portables ont servi à maintenir le lien à travers les réseaux sociaux Instagram, Facebook et Snapchat, mais aussi par SMS et par appels téléphoniques. Les éducateurs ont organisé une veille sur les réseaux afin de se montrer présents et de se tenir au courant des activités des jeunes suivis. C’est ainsi qu’une situation de violence intrafamiliale a pu être révélée et faire l’objet d’un signalement.  Il a également été décidé de maintenir les portables allumés pendant le week-end. En effet, en l’absence de rythme scolaire, les jeunes n’avaient pas forcément la notion des jours de la semaine. Des rencontres dans des lieux neutres ont pu avoir lieu en cas d’urgence pour des situations inquiétantes, le tout dans le respect des règles sanitaires.

Aujourd’hui, 80% des jeunes sont connectés au minimum une fois par jour sur les réseaux. Il était indispensable pour les éducateurs de rue d’être présents sur ces médias : c’est pourquoi ils se sont inscrits dans le réseau des « Promeneurs du net » dès 2015. Ce dispositif départemental, porté par la CAF et la Fédération des centres sociaux, vise à encadrer la présence de professionnels formés qui exercent une mission de prévention auprès des jeunes sur les réseaux sociaux. Cela leur permet de mieux maîtriser ces applications, véritables rues numériques, en bénéficiant notamment d’équipements, d’une expertise technique, et d’échanges de pratiques.

Parallèlement, pour les jeunes et certains parents souffrant d’addictions, le confinement a occasionné une difficulté supplémentaire : la pénurie de substances et l’impossibilité de se fournir. Cela a pu aboutir à des sevrages forcés et engendrer des tensions supplémentaires dans les familles. L’équipe de Prév’ a donc travaillé au repérage et au suivi des situations à risque.

Concernant la scolarité des jeunes, tous n’ont pas bénéficié des mêmes moyens logistiques durant le confinement, accroissant les risques de décrochage scolaire pour des jeunes parfois déjà en difficulté. L’inquiétude reste entière pour la rentrée de septembre 2020 : certaines entreprises accueillant des jeunes en apprentissage ou en stage pourraient décider de réduire le nombre d’inscrits ou de stopper complètement les accueils, à cause de la crise sanitaire. Les éducateurs redoutent qu’un grand nombre de jeunes se retrouvent sans solution à la rentrée.